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Le blog d'Hélène Loup
15 août 2020

La fille au tambourin magique - raconté sur facebook samedi 15 août 2020 à 18h

LA FILLE AU TAMBOURIN MAGIQUE

 Maurice Métayer – Contes de mon iglou – Livre de poche jeunesse n°70

 

Deux vieux époux avaient une fille qui ne voulait pas se marier. Ce n’étaient pas les partis qui lui avaient manqué : de loin comme de près des jeunes gens étaient venus, de bons chasseurs, qui la voulaient pour femme. Mais elle avait refusé tous les prétendants ; elle avait dit non à tous sauf aux deux frères qui vinrent en dernier.

Ces deux-là étaient venus avec la même intention de la prendre que les autres, et lorsqu’ils étaient entrés dans l’iglou, la fille les avait pris pour de beaux jeunes gens étrangers. Ils n’avaient rien dit, rien fait, mais ils l’avaient emmenée, elle, la fille qui avait refusé tous les garçons.

A peine étaient-ils hors de l’iglou que les deux frères revêtirent leurs peaux qu’ils avaient laissées à la porte ; et la jeune fille les reconnut alors pour ce qu’ils étaient : des êtres plus monstrueux qu’humains, des hommes-ours.

Les deux ours blancs la prirent par la main, l’emmenèrent au large, loin du rivage, et par l’ouverture d’une crevasse, la firent descendre dans les profondeurs de l’océan, l’entraînant avec eux dans leur nage.

Soudain, elle se sentit tomber. Les deux frères avaient lâché ses mains et remontaient vers la surface. Tandis qu’elle, incapable de nager seule sous la glace, coulait au fond de l’eau. Lorsqu’enfin son pied toucha quelque chose de solide.

Regardant tout autour, elle constata qu’un côté de la mer était sombre tandis que l’autre semblait plus lumineux. Elle se dit que le côté sombre devait être le nord et lui tournant le dos elle partit en direction de la lumière.

De petites bestioles vinrent à elle, et pendant qu’elle marchait sur le fond de l’océan, mordirent dans sa chair et la dévorèrent. Il ne lui restait que les os lorsqu’une clarté plus grande que l’océan lui fit penser qu’elle allait trouver une place où monter sur la terre. Elle n’était plus qu’un squelette, mais elle avançait tout pareillement vers la lumière grandissante.

Trouvant une crevasse, elle monta sur la glace et gagna le rivage. Assise sur un rocher, elle se mit à réfléchir et les souvenirs affluèrent à son esprit. Elle revit ses parents, leur grand iglou confortable, leur garde-manger bien garni : comme elle aurait voulu en posséder de semblables ! Perdue dans ses pensées, elle laissait ses mains jouer dans la neige, façonnant un iglou minuscule et une plate-forme garde-manger, ressemblant à ceux de son père. Elle pensait tout haut :

« Où trouverai-je des peaux bien chaudes pour dormir ? Qui me donnera la viande dont j’ai faim ? » Fatiguée de ses aventures, elle s’endormit sur ces pensées de gibier et de fourrures.

A son réveil, en ouvrant les yeux, la femme-squelette vit devant elle un grand iglou, exactement comme celui de son père et, près de lui, un caribou fraîchement tué. Son désir, son rêve était devenu réalité. Elle sécha la peau et s’en fit un sac de couchage. Elle prépara la viande, la mit sur le garde-manger et en fit sa nourriture.

Désormais, le soir avant de s’endormir, elle pensait à ce qu’elle désirait avoir et, le matin, tout était là pour elle. Elle fut bientôt pourvu de tout ce qu’elle pouvait souhaiter, sauf de sa propre chair. Elle pouvait bien rêver à sa beauté perdue… ses étranges pouvoirs restaient ici sans effet : ni chair ni peau ne poussaient sur ses os et elle n’était toujours qu’un squelette vivant.

Passant souvent une partie de ses journées dehors, elle vit un jour paraître, au sud, des chasseurs qui venaient sur la glace faire la chasse au phoque. Elle allait enfin pouvoir parler à des humains : et, toute heureuse, elle partit à leur rencontre d’un pas rapide. Elle n’en était plus qu’à une courte distance lorsqu’elle les vit faire volte-face brusquement et s’enfuir de toutes la vitesse de leurs jambes.

Désappointée, elle les regarda disparaître dans le lointain, elle qui s’était réjouie d’avance d’avoir des gens à qui parler. Lorsqu’elle ne les vit plus à l’horizon, elle revint chez elle en pensant :

« Je ne suis qu’un squelette et mes os s’entrechoquent avec bruit lorsque je marche. C’est de moi qu’ils ont eu peur. »

Elle était triste de n’avoir pas approché les voyageurs d’assez près pour leur parler… elle se voyait vieillissant toujours seule et elle pleura.

Le père de ces chasseurs était un homme très âgé que ses fils, durant les voyages de chasse, laissaient derrière dans l’iglou parce qu’il ne pouvait plus suivre les autres et n’était plus capable de tuer du gibier.

De retour chez leur vieux père, ces hommes lui dirent :

« Nous avons aperçu un squelette qui marchait. C’était une femme ! Elle venait à nous, mais nous avons eu peur et nous nous sommes enfuis sans l’avoir revue. 

  • Mes jours sont comptés de toute façon ! répondit-il, j’irai lui rendre visite demain. »

Il partit le lendemain et trouva la femme assise à l’entrée de son iglou. Elle ne fit pas un pas vers lui, mais lorsqu’il arriva, elle le fit entrer. La lampe de pierre était pleine d’huile et la flamme des mèches haute et brillante. La fille-squelette et le vieil homme perclus mangèrent et dormirent ensemble.

Le matin venu, elle dit à l’homme :

« Fais-moi un petit tambour. »

Il se mit aussitôt au travail et, l’instrument fini, le lui donna ; La femme éteignit la flamme de la lampe, prit le tambourin et se mit à danser. Elle chantait une incantation magique, et voici que le tambour grandissait de taille et que le grondement de son tam-tam semblait remplir la plaine et la colline.

Son chant fini, la femme alluma la lampe et, sous les lumières des flammes dansantes, le vieillard la vit et ne put détacher d’elle ses regards. Ce n’était plus un pitoyable squelette, c’était une fille magnifique dont la chair généreuse se devinait sous des habits superbes.

Elle éteignit de nouveau la lampe, reprit le tambour et se remit à danser. Après un temps, elle demanda à l’homme :

« Te sens-tu bien comme cela ? »

A sa réponse affirmative, elle ralluma la lampe. Ce n’était plus un vieillard qui lui avait répondu oui, mais un beau jeune homme à qui le rythme magique du tambour avait redonné sa force et sa jeunesse.

C’est ainsi que se maria la fille qui ne voulait pas de mari et que les bestioles de l’océan avaient mangé.

Lorsque l’homme revint dans sa famille avec sa jeune femme, ses propres fils ne le reconnurent pas et lui dirent :

« Notre vieux père est absent. Il est descendu vers la mer et n’est pas revenu.

- C’est moi votre père, répondit l’homme. J’étais alors un vieillard à peine capable de marcher, et celle-ci n’était qu’un squelette. Mais j’en ai fait ma femme et nous sommes redevenus jeunes et beaux tous les deux. »

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