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Le blog d'Hélène Loup
16 juin 2020

LE LORIOT - raconté sur facebook mercredi 17 juin 2020

LE  LORIOT

H.L.

 Avez-vous déjà vu un loriot? Il ne vit pas en ville. Il préfère les forêts. Son chant est merveilleux. Mais on le voit rarement car il sait bien se cacher. C’est un oiseau gros comme un merle, jaune comme l’or, ailes et queue noires, bec rose vif, pattes gris-bleu et les yeux rouges. Et qui raffole des fruits d’été. 

C’est ainsi qu’un petit loriot sautillait de buisson en buisson à la recherche de mûres, d’airelles et de framboises. Il trouva un flocon de laine d’agneau qui s’était accroché dans des épines. Il le prit, le porta à la fileuse.

     ° Fileuse, belle fileuse, combien de jours te faut-il pour me faire un fil de laine avec ce flocon de laine ?

  • Un jour me suffira, loriot, beau loriot.

  • Un jour, soit !

Le lendemain, le loriot était là qui demandait :

  • Fileuse, belle fileuse, mon fil de laine est-il prêt ?

  • Il est prêt terminé, loriot, beau loriot.

Le loriot le regarda. Il était fin comme un cheveu, solide comme l’acier.

  • Fileuse, belle fileuse, tu as bien travaillé. Un écu, une pièce d’or, je te dois. Mais je te paierai quand je serai roi.

Et le loriot s’envola. 

Il alla chez le tisserand.

  • Tisserand, beau tisserand, combien de jours te faut-il pour me faire un tissu de laine avec ce fil de laine ?

  • Il me faudra trois jours, loriot, beau loriot.

  • Trois jours, soit !

Trois plus tard le loriot était là qui questionnait :

  • Tisserand, beau tisserand, mon tissu de laine est-il prêt ?

  • Il est prêt terminé, loriot, beau loriot.

Le loriot le palpa. Il était doux, blanc, parfait.

  • Tisserand, beau tisserand tu as bien travaillé. Trois écus, trois pièces d’or, je te dois. Mais je te paierai quand je serai roi.

Et le loriot s’envola. 

Il s’en alla chez le tailleur.

  • Tailleur, beau tailleur, combien de jours te faut-il pour me faire une cape et son capuchon de laine avec ce tissu de laine ?

  • Il me faudra bien sept jours, loriot, beau loriot.

  • Sept jours, soit !

Une semaine plus tard le loriot était là qui réclamait :

  • Tailleur, beau tailleur, ma cape et son capuchon de laine sont-ils prêts ?

  • Ils sont prêts terminés, loriot, beau loriot.

Le loriot revêtit la cape avec son capuchon, se contempla dans une flaque d’eau en guise de miroir. Qu’il était beau !

- Tailleur, beau tailleur, tu as bien travaillé. Sept écus, sept pièces d’or, je te dois. Mais je te paierai quand je serai roi.

Et le loriot s’envola. 

Tout en volant, il se dit :

  • Beau comme je suis, je dois aller là où il y a tout ce qui est beau. Chez le plus riche, le plus puissant ! Chez le roi !

Mais le loriot ne rentra pas dans le château. Et vous savez pourquoi ? … Parce que devant le château il y avait quelque chose à quoi aucun loriot ne résiste. Aucun enfant non plus. Et pas beaucoup d’adultes. Devant le château, il y avait un cerisier recouvert de cerises grosses comme des prunes, rouges presque noires, fondantes, parfumées, savoureuses, délicieuses.

  • Des cœurs de colombes, disait le roi. Seul le palais d’un roi peut en apprécier la saveur exquise. Donc moi seul ai le droit d’en manger.

Et il avait fait mettre une barrière autour du cerisier et un garde à la porte de la barrière. Mais le loriot n’en eut cure, peut lui importait.

Il se percha en haut du cerisier. Puis il commençà

à piquer les cerises,

à cracher les noyaux !

Il pique les cerises,

Il crache les noyaux !

Il pique les cerises, 

Il crache les noyaux !

En piquant les cerises,

en crachant les noyaux,

il chante :

C’est compère loriot

Qui mange les cerises,

Qui mange les cerises

Et crache les noyaux !

Les cerises pour moi,

Les noyaux pour le roi !

Pftt ! Pftt ! Pftt ! Il cracha trois noyaux qui passèrent par la fenêtre. Le roi en prit un dans la couronne, le deuxième à la pointe du nez, le troisième en plein dans la joue. Il alla à la fenêtre et appella :

  • Jardiniers ! Attrapez-moi ce loriot !

Tous les jardiniers arrivèrent en courant si vite qu’ils piétinèrent les pelouses, écrasèrent le gazon. Ordre du roi ! Les voilà qui entouraient le cerisier, brandissant des pelles, des pioches, des râteaux, des bêches, des bâtons, des cailloux, des mottes de terre quand ils n’avaient rien trouvé d’autre. Le maître jardinier s’écria :

  • A mon commandement …

Il allait dire : « Feu ! Tirez ! », quand un jeune apprenti l’interrompit :

  • Excusez-moi, maître ! Mais on tire sur quoi, là ?

Car, le petit loriot, il y avait longtemps qu’il n’était plus dans le cerisier. Il était caché dans un buisson, à la lisière du jardin et il riait sous cape.

  • Roi, victoire ! dit le maître jardinier. Nous avons débarrassé ton jardin de cet animal nuisible.

  • J’espère, répondit le roi, qu’il ne reviendra plus nuire dans mon cerisier. Car sinon, vous, vous irez embarrasser mes prisons.

Les jardiniers s’en allèrent sur la pointe des sabots, pour ne pas énerver le roi davantage. Le calme revint dans le jardin. Le loriot aussi. 

Il se re-percha dans le cerisier. Il recommença

à piquer les cerises,

à cracher les noyaux !

Il pique les cerises,

Il crache les noyaux !

Il pique les cerises,

Il crache les noyaux !

Et en piquant les cerises,

en crachant les noyaux,

il chante :

C’est compère loriot

Qui mange les cerises,

Qui mange les cerises

Et crache les noyaux !

Les cerises pour moi,

Les noyaux pour le roi ! 

Pftt ! Pftt ! Pftt ! Il cracha trois noyaux qui passèrent par la fenêtre. Le roi en prit un dans un œil, le deuxième dans la bouche, le troisième dans l’autre œil. Il courut à la fenêtre et cria :

  • Que toute ma police m’attrape ce loriot de malheur !

Tous les policiers arrivèrent au pas de course. Dans leur hâte, leur précipitation, ils piétinèrent les fleurs, saccagèrent les parterres. Ordre du roi ! Ils cernèrent le cerisier en agitant revolvers, pistolets, fusils à lancer des grenades lacrymogènes, petites matraques et longs bâtons pour manifestations et, bien sûr, lances à eau puissantes. Le chef de la police s’écria :

  • A mon commandement …

Il allait dire : « Feu ! Tirez ! », quand un petit flic de quartier l’arrêta :

  • Pardon, patron ! Mais on tire sur quoi, là ?

Car le petit loriot, cela faisait longtemps qu’il était caché dans son buisson, en limite du jardin, à rire sous son capuchon.

  • Roi, victoire ! dit le chef de la police. Nous avons purgé ton royaume de ce terrible malfaiteur !

  • J’espère, répondit le roi, qu’il ne reviendra plus malfaire dans mes cerises. Car sinon, vous, vous irez purger une longue-longue peine de prison. Au pain sec et à l’eau !

Les policiers s’en allèrent sans bruit sur leurs souliers cloutés, pour ne pas irriter le roi davantage. Le calme revint dans le jardin. Le loriot aussi. 

A nouveau il se percha en haut du cerisier et se mit

à piquer les cerises,

à cracher les noyaux !

Il pique les cerises,

Il crache les noyaux !

Il pique les cerises,

Il crache les noyaux !

Et en piquant les cerises,

en piquant les noyaux,

il chante :

C’est compère loriot

Qui mange les cerises,

Qui mange les cerises

Et crache les noyaux !

Les cerises pour moi,

Les noyaux pour le roi !

Pftt ! Pftt ! Pftt ! Pftt! Pftt! Pftt! Pftt! ... Il cracha une quantité de noyaux qui passèrent par la fenêtre. Le roi en prit dans les cheveux, dans le cou, les vêtements, les poches, la culotte et jusque dans ses chaussures. Il bondit à la fenêtre, dérapa sur les noyaux, se rattrapa en catastrophe au rebord de la croisée et hurla :

  • Que toute mon armée se mette campagne et m’attrape ce maudit loriot de malheur !

Et c’est toute l’armée qui prit position dans le jardin. Avec les soldats qui marchaient au pas cadencé, les motos équipées de side-car pour l’officier de liaison, les jeeps tous terrains, les véhicules blindés, les chars et les engins du génie, il ne restait plus rien dans le jardin. Pas un buisson, pas un arbuste, pas un arbre.

Sauf le cerisier ! Toute l’armée l’encerclait et le mettait en joue avec les « revolvers d’ordonnance » des officiers, les fusils de guerre, les mitraillettes, mitrailleuses, bazookas, canons et même des engins lance-missiles. Le général s’écria :

     ° A mon commandement …

Il allait dire : « Feu ! Tirez ! », quand un modeste troufion de deuxième classe lui coupa la parole :

  • Sauf votre respect, mon général ! Mais on tire sur quoi, là !

Car le loriot était depuis longtemps dans son buisson à l’orée du jardin, riant dans son bec.

  • Roi, victoire ! dit le général. L’ennemi a battu en retraite.

  • J’espère, dit le roi qu’il ne viendra plus s’ébattre dans mon arbre ! Parce que sinon, c’est vous qui irez battre la semelle de vos godillots dans mes prisons. Sans manger et sans boire jusqu’à ce que mort sans suive !

Alors là, il y eut un grand silence inquiet. 

Dans ce silence, on entendit un rire. C’était la princesse. Sans s’occuper de toute cette agitation, elle chassait les papillons. Elle les attrapait dans son filet, les admirait et puis les relâchait. Et voilà que, dans un buisson, il lui avait semblé voir un grand papillon, doré comme le soleil, noir comme la nuit. Elle l’avait capturé. Et elle riait parce que, dans son filet, c’était le petit loriot qui se débattait.

Le roi entendit ce rire. Entendant, il regarda. Regardant, il vit. Et voyant, il s’écria :

  • Qu’on me l’apporte prisonnier !

Pris, le loriot ! Et bien pris ! Le roi lui dit :

  • Ah ! Ah ! Loriot ! Tu as mangé mes cerises! Tu as craché les noyaux de mes cerises à ma figure de roi ! Tu t’es bien amusé ! A mon tour de rire ! Qu’on le porte à la cuisine et que, tout vif, on le plume, on le vide on le cuise et qu’on se dépêche parce que j’ai faim.

On porta le loriot à, la cuisine. Un marmiton commença à le plumer. Et pendant qu’on le plumait, le loriot chantait :

Plumez-moi, plumez-moi bien,

S’il reste une petite plume,

Plumez-moi, plumez-moi bien,

Une seule petite plume,

Plumez-moi, plumez-moi bien,

Il sera malheur au roi !

Il sera malheur au roi !

Mais le roi, là-haut, sur son trône, criait :

  • Dépêchez-vous ! J’ai faim !

Alors on se dépêcha. Et on oublia une petite plume dorée dans le cou. Le loriot n’était pas mort. 

Puis un apprenti cuisinier se mit en devoir de le vider. Et pendant qu’on le vidait, le loriot chantait :

Videz-moi, videz-moi bien,

S’il reste une petite tripe,

Videz-moi, videz-moi bien,

Une seule petite tripe,

Videz-moi, videz-moi bien,

Il sera malheur au roi !

Il sera malheur au roi !

Mais le roi, là-haut, sur son trône, continuait de crier :

  • Dépêchez-vous ! J’ai faim !

Alors on se dépêcha. Et on oublia une petite tripe dans le fond. Le loriot n’était pas mort. 

Un cuisinier commença à faire frire le loriot. Et pendant qu’on le tournait et le retournait dans la poêle, il chantait :

Cuisez-moi, cuisez-moi bien,

S’il reste un p’tit bout pas cuit,

Cuisez-moi, cuisez-moi bien,

Un seul petit bout pas cuit,

Cuisez-moi, cuisez-moi bien,

Il sera malheur au roi !

Il sera malheur au roi !

Mais le roi, là-haut, sur son trône, ne cessait de crier :

  • Dépêchez-vous ! J’ai faim !

Alors on se dépêcha. Et on ne s’aperçut pas que le bout du bec du loriot dépassait de la poêle et n’était pas cuit. 

Enfin le maître cuisinier para, prépara le loriot en un plat somptueux que l’on apporta au roi.

  • Ah ! Ah ! loriot ! ricana le monarque. C’est maintenant que je te mange !

Le loriot se mit à chanter :

Mâche-moi, mâche-moi bien,

S’il reste un morceau pas mâché,

Mâche-moi, mâche-moi bien,

Un seul morceau pas mâché,

Mâche-moi, mâche-moi bien,

Il sera malheur à toi !

Il sera malheur à toi !

Mais le roi avait faim. Et puis il ne allait pas obéir à un petit loriot de rien du tout. Il le prit et l’avala tout rond. 

C’était une très mauvaise idée. Car, dans le ventre du roi, le loriot n’était toujours pas mort. Il regarda autour de lui et s’exclama :

  • Pouah ! Beuh ! Pfff ! Que ce roi est gros, gras, ventru et plein de graisse ! Piquons, du bec, dans la graisse ! Griffons, des griffes, dans la graisse !

        Piquons ! Griffons !

        Piquons ! Griffons !

Le roi hurla :

  • Aïe ! Ouille ! Ca pique ! Ca griffe ! Les médecins ! Vite !!!

Les médecins arrivèrent en urgence. Ordre du roi. Comme ils ne voyaient rien, ils posèrent l’oreille sur le ventre du roi. Alors ils entendirent :

Pouah ! Beuh ! Pfff !

Que ce roi est gros, gras,

Ventru et plein de graisse !

Piquons dans la graisse !

Griffons dans la graisse !

Piquons ! Griffons !

Piquons ! Griffons !

Une petite plume pas plumée,

Une petite tripe pas vidée,

Un petit bout pas cuit,

Un p’tit morceau pas mâché,

Et il est malheur au roi !

Et il est malheur au roi !

Si le roi ne sait bayer,

Bayer de toute sa bouche,

Sa bouche grande ouverte

Si le roi ne veut bailler,

Ne me baille sa fille

Et le royaume avec,

Il sera malheur au roi !

Il sera malheur au roi !

  • Euh ! … Majesté … , dirent les médecins.

Ils étaient très ennuyés. On vous en veut toujours d’être le porteur de mauvaises nouvelles.

  • Majesté, ce n’est pas notre faute. Mais le loriot a été mal plumé, mal vidé, mal cuit, pas tout à fait mastiqué comme il l'aurait fallu. Alors, il n’est pas mort. Et de son bec et de ses griffes, il va vous éventrer et vous tuer de cette façon terrible. A moins que …

  • A moins que quoi ? s’exclama le roi.

  • Eh bien, d’abord, il faut que vous ouvriez grand la bouche.

  • S’il y a un d’abord, c’est qu’il y a un après, gronda le roi. Et si vous ne le dites pas tout de suite, c’est que c’est le plus difficile. Alors parlez !

  • Il veut votre fille en mariage … et le royaume avec.

  • Ma fille !? Et mon royaume !? A un petit loriot de rien du tout !? Pas question !!!

  • C’est comme on voudra, dit le loriot.

Et pic ! Et crac !

Et pic ! Et crac !

Et pic ! Et crac !

Le roi hurla :

  • Arrête, loriot ! Qu’on aille chercher ma fille.

La princesse, quand on lui expliqua l’affaire, ne dit rien. Elle s’approcha simplement de son père et tendit ses mains pour recevoir l’oiseau. Le roi ouvrit une large bouche, comme jamais bouche ne fut ouverte. Le loriot bondit, retomba dans les mains de la princesse.

Aussitôt, il redevint ce qu’il était : un beau prince aux vêtements et couronne d’or, avec des bottes et des gants noirs, une cape de laine blanche. Il dit à la princesse :

  • Si tu ne m’avais pas accepté comme époux sous ma forme de loriot, jamais je n’aurais retrouvé ma véritable apparence. 

Le roi avait promis devant tant de monde qu’il dut tenir parole. Le lendemain, on célébra le mariage.

Le Prince Loriot n'oublia pas de donner un écu d’or à la fileuse, trois au tisserand et sept au tailleur. Les gens dirent :

  • Il paye ce qu’il doit, chose rare chez les riches, mais pas plus qu’il ne doit. Ce sera un bon roi.

Et il le fut. 

Quant au vieux roi, il a quand même réussi à garder quelque chose :

Le cerisier, bien sûr !

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