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Le blog d'Hélène Loup
18 mai 2012

Auguste Blanqui l'enfermé, par Jean-Marie Lamblard

Aux lecteurs bienveillants, à vous, aux amis :

AUGUSTE BLANQUI, L’ENFERMÉ


    Les passeurs de relais
   Il n’y a point d’anniversaire à l’horizon, aucune fête à souhaiter ; l’actualité seule nous incite à célébrer ici Auguste Blanqui. L’actualité, ce fut d’abord le dessin original offert par Ernest Pignon-Ernest à la revue culturelle du pays Niçois, Le Sourgentin. Hommage d’un artiste contemporain, qui s’achève par l’évocation du gisant de Blanqui sculpté par Dalou au Père Lachaise. C’est bien le sens de la flèche du temps qui va de l’instant présent et remonte vers ce qui a été. De même, le relais est passé lorsque quelqu’un tend la main pour le saisir. Dans la main d’Ernest, le témoin arrive venant de la main d’Aimé-Jules Dalou, et la mémoire de l’ancêtre Blanqui continue de vivre. Transmetteurs de passion, les passeurs de relais occupent un espace essentiel au sein des communautés de valeurs.


         Pour accompagner le portrait de Blanqui, Ernest écrit : << Enfant de Riquier, combien de fois aurai-je traversé la place Blanqui avant de savoir quel homme était Auguste Blanqui ? Avant de savoir que sa pensée révolutionnaire a animé la Commune de Paris, que ses convictions sans concession lui ont valu 33 ans de prison, et qu’il a écrit « NI DIEU, NI MAÎTRE ». À Puget Théniers où il est né, un Maillol somptueux lui rend hommage. À Paris, lorsque je vais le saluer au « Père Lachaise », il y a toujours dans sa main de gisant sculpté par Dalou sur son tombeau une fleur fraîche et rouge.  Amicalement. Ernest Pignon-Ernest pour le Sourgentin. >>

         Place de la Bastille

         L’actualité c’est aussi, bien sûr, les grands rassemblements populaires de la campagne électorale.

         Qui aurait pu prévoir qu’un dimanche pluvieux de mars, tout un peuple viendrait s’assembler autour d’une nécropole méconnue, sur la place de la Bastille à Paris, pour communier aux accents oubliés d’un verbe semblant sortir tout droit des grandes heures révolutionnaires des Français.

         Nécropole, la place de la Bastille l’est depuis son inauguration, et, en son centre, la Colonne de Juillet abrite sous ses fondations les restes des martyrs des « Trois Glorieuses » de 1830. Le socle de la colonne sert aussi de tombeau pour des centaines de victimes des émeutes populaires de la Révolution Sociale de 1848.

         Nous nous souviendrons que ce jour de mars 2012 des milliers de gens pouvaient encore faire la fête autour de noms des penseurs révolutionnaires qui les unissent.

         Le gisant de Blanqui au Père Lachaise

         Sous la voûte en chapelle des cyprès verts, au bord de l’allée n° 91, repose le corps d’Auguste Blanqui. << Il paya d’une vie d’emprisonnement sa fidélité à la cause sacrée de l’émancipation des travailleurs>>, proclame la plaque apposée au pied du monument que l’on peut voir à Puget Théniers, sa ville natale.

Blanqui meurt d’épuisement le 1er janvier 1881. Eugène Pottier chantera : Contre une classe sans entrailles, / Luttant pour le peuple sans pain, / Il eut vivant, quatre murailles. / Mort, quatre planches de sapin. Aujourd’hui, le cercueil de sapin est surmonté d’un tombeau sur lequel est allongé un gisant de bronze reproduisant le masque mortuaire de Blanqui. Ce gisant est une oeuvre géniale signée Dalou.

Les tombeaux sont des lieux d’appel. Ils indiquent l’endroit où l’âme subtile d’une famille ou d’un groupe demeure dans l’attente du moment où les héritiers spirituels viendront renouveler l’alliance nouée avec les ancêtres. Ces tombeaux, qu’ils contiennent ou non des restes de corps humains, fixent en un lieu le principe d’action d’un peuple, d’une communauté de valeurs.

Le bronze de Blanqui, élevé par souscription populaire, est bouleversant. Dalou réinvente l’image ancestrale et religieuse des trépassés. Le défunt repose dans la paix, un repos qui n’est ni fin ni néant, mais passeur de relais. Le corps est dessiné par le linge posé sur lui. Le linceul de bronze pèse à peine sur ses membres décharnés d’homme dénudé. À ses pieds, l’artiste a sculpté une grande couronne de ronces sauvages. Couronne, non de laurier mais d’épines et de fruits mûrs, de feuilles fraîches et de mûres charnues, symboles d’une vie militante.

Blanqui s’est endormi, prêt à rendre à la nature ce qu’elle lui avait prêté. Il s’en retourne d’où il vient, après une vie active dévouée aux idées de progrès social. Le visage aux yeux clos penche vers l’épaule droite. Un bras maigre mais vigoureux glisse hors du suaire. Allongé le long du corps, ce bras fraternel tend la main vers l’allée du cimetière. Blanqui avance sa main entrouverte, en attente d’une autre main, prête à prendre le relais.

Dalou a su renouveler l’art funéraire. Son gisant semble dormir comme le chevalier de la Chanson de Rolland, mais il n’espère ni la transfiguration ni le dernier jour du jugement. Blanqui repose discret, sans appel aux passants, sans épitaphes, sans requiescat in pace ! Seule, la main droite attend la poignée fraternelle. Ce matin, quelqu’un a glissé deux roses rouges entre les doigts.

    PS. Si les deux photos ne sont pas lisibles, allez sur le site “Lettres d’Archipel” :
http://www.lamblard.com

                                                                                                                                                                                       20 Avril 2012
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Lettres d’Archipel
Jean-Marie LAMBLARD
jmlamblard@wanadoo.fr
http://www.lamblard.com   
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