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Le blog d'Hélène Loup
29 janvier 2010

"Marfa et l'ours" ou "La jeune fille et l'ours"

M A R F A   E T   L ‘ O U R S

                                                                                                      D’après un conte traditionnel

  Dans un petit village russe, au cœur de l’immense forêt russe, vivaient trois petites filles, trois petites sœurs. Elles aimaient par-dessus tout aller, durant le court mais chaud été russe, ramasser des fraises, des framboises, des myrtilles, tous ces petits fruits de l’été qu’à cette époque, on ne trouvait que dans la forêt.

  Mais leurs parents ne voulaient pas qu’elles y aillent.

-         La forêt est si grande et vous êtes si petites ! Vous risqueriez de vous perdre. Et alors,

gare à l’ours !

-         Nous irons avec le groupe des enfants du village, répondirent les petites. Il y en a de

grands. Ils connaissent la forêt. Nous ne nous perdrons pas avec eux.

-         Ne vous en éloignez pas, dirent les parents.

  Et ils firent toutes les recommandations que font les parents en pareil cas, en oubliant complètement que les recommandations ne sont pas faites pour être écoutées par ceux à qui on les donne, mais pour rassurer ceux qui les donnent.

  A peine dans la forêt, l’aînée, la plus âgée des trois sœurs, a vu des fraises rouges, comme des gouttes de sang sous les feuilles vertes. Elle a regardé les autres enfants. Ils n’avaient rien remarqué. Alors elle s’est accroupie, a cueilli une fraise et l’a mise dans sa bouche. Mmmm !

Que c’était bon ! Une fraise dans le panier. Une fraise dans la bouche ! Une fraise dans le panier. Une fraise dans la bouche ! Une dans le panier. Bientôt, il n’y avait plus une seule fraise rouge comme une goutte de sang sous les feuilles vertes. Mais le ventre de la fille était plein et son panier aussi.

  Elle s’est relevée, s’est retournée. Il n’y avait plus personne. Elle a crié, a appelé. On n’a pas répondu. Elle a couru, cherché. Elle s’est perdue. Et plus elle cherchait, plus elle se perdait. Le soir est arrivé. Le soleil a rougi le ciel. La fille était complètement perdue. Elle a grimpé en haut d’un arbre. Elle n’a vu qu’une cabane, un peu plus loin, au milieu d’une clairière. La porte était ouverte, la fenêtre aussi. Son propriétaire ne devait pas être loin.

  Elle a couru à la cabane. Elle est entrée. Personne. Elle est allée à la fenêtre et, de là, elle a appelé les autres enfants:

-         Hohé ! Vous qui êtes dans la forêt, vous qui êtes dans les sapins, venez passer la nuit

avec moi !

Pas de réponse. Elle s’est mise à la fenêtre et elle a encore appelé :

-         Hého ! Vous qui êtes dans la forêt, vous qui êtes dans les sapins, venez passer la nuit

        avec moi !

Toujours pas de réponse. Alors elle est monté sur le toit et elle a crié aux quatre coins de l’horizon :

-         Vous qui êtes dans la forêt, vous qui êtes dans les sapins, venez passer la nuit avec moi !

J’ai peur, toute seule !

  Et soudain, elle a entendu :

-         Je suis dans la forêt. Je suis dans les sapins. Je passerai la nuit avec toi.

  Et d’entre les grands sapins de l’immense forêt russe, est sorti le gros ours russe.

-         La fille, a dit l’ours, descends du toit. Rentre dans la maison. Ferme la porte. Ferme la

        fenêtre. Tu es mon hôte et mon invitée pour la nuit. Mais c’est toi qui feras le repas.

        Pour faire le repas, il te faut des provisions. Pour trouver les provisions, il te faut ouvrir

      mes armoires. Pour ouvrir mes armoires, il te faut les clés. Et pour trouver les clés,

      entre dans mon oreille droite, sors par mon oreille gauche.

  On ne désobéit pas au gros ours russe. La fille a obéi. Elle est entrée dans l’oreille droite, elle est sortie par l’oreille gauche. Et elle a vu ce qu’elle ne voyait pas auparavant. Sur la poitrine de l’ours, trois clés étaient suspendues. Une clé d’or, une clé d’argent, une clé de cuivre. La clé d’or était trop précieuse. La clé d’argent presque autant. Elle n’a pas osé les toucher. Elle a pris la clé de cuivre. Elle a ouvert la première armoire. Elle a trouvé de la farine, de la farine bise, grise et rousse, comme autrefois.

  Elle en a fait ce qu’on faisait dans ces temps-là, quand on était pauvre, qu’on n’avait rien d’autre et qu’on avait faim, de la bouillie, un mélange de farine et d’eau cuit sur le feu. Ce n’était pas très bon, mais cela remplissait le ventre.

  Et ils mangeaient, l’ours et la fille, quand une souris est sortie de son trou dans le mur. Elle s’est approchée de la fille, a tiré sur sa robe et a dit :

-         La fille, donne-moi un peu de bouillie.

La fille a tourné la tête de l’autre côté. La souris est passée de l’autre côté.

-         La fille, donne-moi un peu de bouillie. J’ai faim.

La fille a regardé droit devant elle. La souris s’est plantée devant elle.

-         La fille, donne-moi de la bouillie. J’ai faim, moi aussi.

La fille a dit :

-         Va-t’en d’ici !

-         La fille, a grogné l’ours, à qui donc parles-tu, que je n’ai pas autorisé à être ici ?

-         C’est à cette souris. Elle veut de la bouillie. Comme si la bouillie, c’était pour les souris !

-         Sûrement pas, a répondu l’ours. Ce qu’il faut aux souris, c’est une bonne claque sur la tête. Donne-la lui de ma part.

La fille a donné une claque à la souris qui a roulé au milieu de la pièce.

  Puis l’ours a dit :

-         Maintenant, la fille, tu fais mon lit. Un lit d’ours. Une couche de bûches de bois, de

        morceaux de bois ; par-dessus, une couche de pierres ; comme rambarde, comme côté de

        lit pour ne pas tomber, le pilon, la boule de pierre fixée au bout d’un bâton qui sert à

        écraser les graines afin d’en faire de l’huile ; comme traversin, le mortier, le grand et

        haut vase de pierre dans lequel on met les graines qu’on écrase avec le pilon afin d’en

        faire de l’huile ; et comme édredon, comme couette-couverture, la meule, la grosse 

        pierre plate et ronde avec un trou au milieu qui sert à écraser le blé pour  faire la farine.

  La fille a fait le lit : la couche de bois, la couche de pierres, le pilon, le mortier, la meule. L’ours s’est couché. La nuit est venue. La fille s’est trouvé un coin où elle s’est pelotonnée, tant bien que mal, pour essayer de dormir un peu.

-         La fille, a grondé l’ours, je ne t’entends plus. Où donc es-tu ? Cours en agitant les clés. Je veux pouvoir toujours savoir où tu es.

  On ne désobéit pas au gros ours russe. La fille a couru dans le noir en agitant les clés. Et quand l’ours a entendu ce petit bruit qui va, et qui vient ! Et qui va, et qui vient ! il a saisi la meule et il l’a lancée. Depuis son trou, la souris a chanté :

                   [Partition de la mélodie de la chanson à insérer]

-         Elle n’est pas morte !Tu l’as ratée ! Tu l’as ratée, l’ours !

L’ours a lancé le mortier. Mais la souris a chanté :

-         Elle n’est pas morte ! Tu l’as ratée ! Tu l’as ratée, l’ours.

L’ours a lancé le pilon. La souris a chanté :

-         Elle n’est pas morte ! Tu l’as ratée ! Tu l’as ratée, l’ours !

L’ours a jeté une pierre, deux pierres, trois pierres.

-         Elle n’est pas morte ! Tu l’as ratée ! Encore ratée, l’ours !

L’ours a jeté toutes les pierres.

-         Elle n’est pas morte. Tu l’as ratée ! Toujours ratée, l’ours !

L’ours a jeté une bûche, deux bûches, trois bûches.

-         Elle n’est pas morte ! Tu l’as ratée ! Faut t’exercer, l’ours !

L’ours a jeté toutes les bûches.

                   [Partition de la mélodie de la chanson à insérer]

-         Ah ! Cette fois, elle est morte ! Elle est morte ! Elle est morte !

L’ours s’est levé. Il a sucé, léché, le sang de la fille, mangé sa chair, croqué ses os.

  Au village, les parents qui n’ont vu revenir que deux de leurs filles, ne veulent plus qu’elles aillent dans la forêt. Mais les filles le veulent. Elles disent :

-         Laissez-nous aller dans la forêt. Et promis, juré, craché, croix de bois, croix de fer, si on

ment, on va en enfer, nous ne nous éloignerons pas du groupe des enfants de plus de la longueur d’un pas.

-         Promis, juré, craché ? demandent les parents.

-         Croix de bois, croix de fer, si on ment, on va en enfer ! affirment les fillettes.

  Alors les parents les laissent partir, en oubliant complètement que les promesses n’engagent que ceux qui y croient, pas ceux qui les font.

  Sitôt dans la forêt, la cadette, la puînée, la deuxième des sœurs, voit des framboises rose vif, sur un buisson d’épines. Les autres enfants n’ont rien vu. Elle a promis, juré, craché. Alors elle dit tout bas :

-         Il y a des framboises.

  Puis elle s’accroupit, cueille une framboise, la met dans sa bouche. Mmmm ! Quel régal ! Une framboise dans le panier. Une dans la bouche ! Une dans le panier. Une dans la bouche ! Une dans le panier. Bientôt, il ne reste plus une seule framboise rose vif sur le buisson d’épines. Mais le panier de la fille est plein. Son ventre aussi.

  Elle se relève. Personne. Elle appelle. Pas de réponse. Elle court, elle cherche. Elle se perd. Au soir, elle monte dans un arbre. Elle voit la cabane grande ouverte. Elle y va. Personne.

  De la porte, elle appelle ses amis:

-         Hohé ! Vous qui êtes dans la forêt, vous qui êtes dans les sapins, venez passer la nuit

        avec moi !

Pas de réponse. De la fenêtre, elle appelle :

-         Hého ! Vous qui êtes dans la forêt, vous qui êtes dans les sapins, venez passer la nuit

        avec moi !

Rien ! Elle monte sur le toit :

-         Vous qui êtes dans la forêt, vous qui êtes dans les sapins, venez passer la nuit avec moi !

        J’ai vraiment peur, toute seule !

Une voix a répondu :

-         Moi, je suis dans la forêt. Moi, je suis dans les sapins. Moi, je passerai la nuit avec toi.

Et d’entre les branches des grands sapins de l’immense forêt russe, est sorti le gros ours russe.

-         La fille, descends du toit. Rentre dans la maison. Ferme la porte. Ferme la fenêtre. Tu

passeras la nuit ici. Et tu feras le repas (L’ours va plus vite. Il commence à avoir l’habitude). Les provisions sont dans mes armoires. Pour trouver les clés de mes armoires, entre dans mon oreille droite, sors par mon oreille gauche.

  On ne désobéit pas au gros ours russe. La fille est entré dans l’oreille droite, sorti par l’oreille gauche et elle a vu les trois clés. La clé d’or était trop précieuse. Elle n’a pas osé la toucher. Avec la clé de cuivre, elle a ouvert la première armoire. Elle y a trouvé la farine bise, grise et rousse, comme autrefois. Avec la clé d’argent, elle a ouvert la deuxième armoire. Il y avait quelque chose qui, aujourd’hui, est courant et pas cher, mais qui, à cette époque, était rare et très cher, surtout loin de la mer où on le récolte : du sel.

  Alors la fille a fait de la bouillie en la salant d’un peu de sel, ce qui est bien meilleur que de la bouillie sans sel.

  Et ils mangeaient, se régalaient, l’ours et la fille, quand la souris est sortie de son trou, a tiré sur la robe de la fille :

-         La fille, donne-moi un peu de bouillie avec un peu de sel.

-         Ce n’est pas pour toi ! a dit la fille brusquement.

La souris est passée de l’autre côté.

-         La fille, donne-moi un peu de bouillie avec un peu de sel. J’ai faim.

-         Ote-toi de là !

La souris s’est plantée devant elle.

-         La fille, donne-moi de la bouillie salée. J’ai faim, moi aussi.

-         Laisse-moi tranquille !

-         La fille, a grogné l’ours. A qui donc parles-tu que je n’ai pas autorisé à être ici ?

-         C’est à cette souris. Elle veut de la bouillie. Comme si la bouillie, c’était pour les souris ! Surtout quand elle est salée !

-         Sûrement pas, a répondu l’ours. Ce qu’il faut aux souris, c’est une bonne claque sur la tête. Donne-la lui de ma part.

La fille a donné une claque à la souris qui a roulé jusqu’au mur d’en face.

-         Maintenant, la fille, a dit l’ours, tu fais mon lit. Une couche de bûches de bois ; une

        couche de pierres ; le pilon pour rambarde ; le mortier pour traversin ; et comme

        édredon, comme couette, la meule en pierre.

  La fille a fait le lit. L’ours s’est couché. Dans la nuit, la fille s’est installée dans un coin pour tenter de dormir.

-         La fille, a grondé l’ours, cours en agitant les clés. Je veux savoir où tu es dans le noir.

  La fille a couru en agitant les clés. Et quand l’ours a entendu ce petit bruit qui va, et qui vient ! Et qui va, et qui vient ! il a lancé la meule.

-         Elle n’est pas morte ! Tu l’as ratée ! Tu l’as ratée, l’ours ! a chanté la souris.

L’ours a lancé le mortier.

-         Elle n’est pas morte ! Tu l’as ratée ! Tu l’as ratée, l’ours !

L’ours a lancé le pilon.

-         Elle n’est pas morte ! Tu l’as ratée ! Tu l’as ratée, l’ours !

L’ours a jeté une pierre, deux pierres, trois pierres .

-         Elle n’est pas morte ! Tu l’as ratée ! Encore ratée, l’ours !

L’ours a jeté toutes les pierres.

-         Elle n’est pas morte ! Tu l’as ratée ! Toujours ratée, l’ours !

L’ours a jeté une bûche, deux bûches, trois bûches.

-         Elle n’est pas morte ! Tu l’as ratée ! Faut t’exercer, l’ours !

L’ours a jeté toutes les bûches.

-         Ah ! Cette fois, elle est morte ! Elle est morte ! Elle est morte !

L’ours s’est levé. Il a sucé, léché, le sang de la fille, mangé sa chair, croqué ses os.

  Au village, les parents qui n’avaient plus qu’une fille, ne voulaient plus qu’elle aille dans la forêt. Mais Marfa le voulait, car elle espérait retrouver ses sœurs. Elle a promis, juré, craché ! Les parents ne voulaient pas. Elle était si simplette ! Seulement Marfa voulait. Et comme beaucoup d’enfants, elle était têtue. Et comme beaucoup de « simplets », elle était maligne. Elle est allée trouver le groupe des enfants. Elle leur a dit :

-         Venez voir mes parents. Et tous ensemble, mais sans moi, sans dire que c’est moi qui

        vous l’ai demandé, dites-leur : « Laissez venir avec nous la petite Marfa. Et promis, juré,

        craché, croix de bois, croix de fer, si on ment on va en enfer, tous ensemble et chacun en

        particulier, nous ne la laisserons pas s’éloigner de nous de plus de la longueur d’un

        pied ».

  Le groupe des enfants est venu voir les parents. Et ils ont dit :

-         Laissez venir avec nous la petite Marfa. Et promis, juré, craché, croix de bois, croix de fer, si on ment, on va en enfer, tous ensemble et chacun en particulier, nous ne la laisserons pas s’éloigner de nous de plus de la longueur d’un pied.

  Les parents ont laissé partir Marfa, en oubliant complètement que les paroles d’enfant, c’est comme la feuille au vent, ça s’envole.

  Arrivée dans la forêt, Marfa a vu des myrtilles, comme des perles bleu-noir, sous les feuilles vernissées. Elle a dit :

-         Il y a des myrtilles.

Les enfants ont répondu :

-         Ici aussi, il y en a. Ramasse les tiennes. Nous ramassons les nôtres.

  Marfa s’est accroupie, a pris une myrtille, l’a portée à sa bouche. Mmmm ! Quel délice ! Une myrtille dans le panier. Une dans la bouche ! Une dans le panier. Une dans la bouche ! Une dans le panier. Bientôt, il ne restait plus une seule myrtille, comme une perle bleu-noir, sous les feuilles vernissées. Il ne restait plus d’enfants non plus.

  Marfa court, cherche, appelle, se perd. Au soir, elle monte dans l’arbre, voit la cabane, y va. Personne.

  De la porte, elle crie :

-         Hohé ! Vous qui êtes dans la forêt, vous qui êtes dans les sapins, venez passer la nuit avec moi !

Rien. De la fenêtre :

-         Hého ! Vous qui êtes dans la forêt, vous qui êtes dans les sapins, venez passer la nuit avec moi ! J’ai peur toute seule !

Rien ! Depuis le toit :

-         Vous qui êtes dans la forêt, vous qui êtes dans les sapins, venez passer la nuit avec moi. Ne me laissez pas toute seule. J’ai trop peur, toute seule !

  Et elle a entendu :

-         C’est moi qui suis dans la forêt. C’est moi qui suis dans les sapins. C’est moi qui passerai la nuit avec toi.

 

  Et d’entre les troncs des grands sapins russes de l’immense forêt russe, est sorti le gros ours russe.

-         Allons, la fille descends du toit. Rentre dans la maison. Ferme la porte. Entre dans mon

        oreille droite, sors par mon oreille gauche. Prends les clés sur ma poitrine. Ouvre les

        armoires. Et fais le repas. (L’ours va très vite. Il a l’habitude.)

  La fille a obéi. On ne désobéit pas au gros ours russe. Avec la clé de cuivre, elle a ouvert la première armoire. Elle a trouvé la farine bise. Avec la clé d’argent, elle a ouvert la deuxième armoire. Elle a trouvé le sel. Avec la clé d’or, elle a ouvert la troisième armoire. Elle a trouvé du miel.

  Alors elle a fait une bouillie au miel relevée d’une pincée de sel.

  Et ils savouraient, se délectaient, l’ours et la fille, quand la souris est sortie de son trou.

-         La fille, donne-moi un peu de cette bouillie au doux parfum de miel.

La fille n’a rien dit. N’a pas tourné la tête. Mais du bout de son doigt, elle a pris de la bouillie et l’a donnée à la souris. La souris s’est régalée. Puis elle est venue de l’autre côté.

-         La fille, donne-moi encore un peu de cette bouillie à la senteur de miel.

Du bout du doigt de son autre main, la fille a redonné en peu de bouillie. La souris s’en est pourléchée. Puis elle s’est plantée devant la fille.

-         La fille, c’est si délicieux ! Redonne-moi de cette bouillie qui fleure si bon le miel.

Du bout du doigt de ses deux mains, la fille en a encore redonné.

-         La fille, a grogné l’ours, à qui donc parles-tu que je n’ai pas autorisé à être ici ?

-         A personne, l’ours. On ne parle pas la bouche pleine. D’ailleurs, qui oserait être ici que tu n’y aurais pas autorisé ?

-         Personne, grommela l’ours. Sinon, il prendrait une bonne claque sur la tête.

  Maintenant, la fille, fais mon lit. Une couche de bûches de bois ; une couche de pierres ; le pilon ; le mortier ; la meule. Et cours en agitant les clés. Je veux savoir où tu es dans le noir.

  Marfa obéit. Mais au moment où elle allait se mettre à courir en agitant les clés, la souris a bondi de son trou, a pris les clés et a murmuré tout bas :

-         La fille, fais-toi aussi petite que tu le peux et cache-toi dans mon petit terrier.

Marfa a obéi aussi à la souris. Et c’est la souris qui a couru en agitant les clés. Quand l’ours a entendu ce petit bruit qui va et qui vient ! Et qui va et qui vient ! il a lancé la meule de pierre, avec son trou au milieu. La souris a sauté à travers le trou de la meule, est retombée dans son petit terrier et a chanté :

                   [Partition de la mélodie de la chanson à insérer]

-         Ah ! Cette fois, elle est morte ! Elle est morte du premier coup ! Tu fais des progrès,

        l’ours !

  L’ours s’est levé, est allé à la meule, l’a soulevée. A la lumière de la lune qui venait de se lever, il n’a vu que les clés.

-         Souris, a grondé l’ours, où est-elle ?

-         Oh ! Elle était si petite, celle-là ! Elle a dû sauter à travers le trou de la meule, passer par la fenêtre –rappelle-toi, tu as oublié de la lui faire fermer hier au soir- et se sauver dans la forêt. D’ailleurs, regarde ! Au milieu des branches de sapins agitées par le vent, il me semble voir son ombre à la lumière de la lune.

  Or, la nuit, quand la lune brille et que le vent agite les branches, on croit toujours voir des ombres se faufiler parmi les arbres. L’ours est sorti en courant à la poursuite de la fille. On ne l’a jamais revu. Il la poursuit encore.

  Le lendemain, la souris a remis Marfa en bon chemin. Elle est rentrée chez elle. Certains disent qu’elle lui a même donné les clés, et que ces clés fournissaient ce qu’on leur demandait.

  Et moi, je suis allée dans la cabane. L’ours n’y était pas. Mais la souris y était toujours. C’est elle qui m’a raconté l’histoire. Puis elle m’a fait de la bouillie sans rien. Bof ! Ca remplit le ventre quand on a faim. De la bouillie au sel. C’est déjà meilleur ! Mais ce que j’ai préféré, c’est la bouillie au miel relevée d’un peu de sel !

Et cric ! Et crac ! Mon conte est dans le sac !

  Cette histoire a pour origine un conte biélorusse collecté et publié au XIX° siècle par le collecteur russe Afanassiev, La Jeune Fille et l’Ours. En bon collecteur, Afanassiev ne remaniait les textes qu’il recevait.

  Publié dans "Conter pour les Petits - La Trame" en 2002 chez Edisud

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