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Le blog d'Hélène Loup
26 juillet 2020

LA YAMAMBA - raconté sur facebook dimanche 26 juillet 2020 à 18h - adapté d'un conte japonais (Contes japonnais - Gründ)

 

LA YAMAMBA

 

 Contes Japonais – Gründ – pp. 69-74

 

 

 

Dans un village perché tout en haut de la montagne vivait une fois un jeune homme qui n'avait hérité de ses parents qu'une petite hutte et un beau cheval. Il gagnait sa vie en descendant de temps en temps avec son cheval à la ville, située au bord de la mer, et en rapportant aux villageois ce dont ils avaient besoin, le plus souvent du sel et du thé, parfois aussi quelques poissons de mer bien gras.

 

Un jour, il était de nouveau en route avec un grand chargement de maquereaux et de thons, ainsi qu'avec un sac de sel. Durant toute la matinée, il avait conduit le cheval par les rennes, et lorsqu'arriva midi, le chemin fatiguant qui menait à la montagne avait tant épuisé le cheval et le cavalier qu'ils durent se reposer. Heureusement, ils trouvèrent une petite clairière où poussait l'herbe fraîche et où jaillissait une source claire ; le jeune homme débarrassa le cheval du fardeau, déposa celui-ci à l'ombre d'un arbre et fit brouter l'animal. Puis il ramassa quelques brindilles et alluma un feu afin d'y cuire une soupe au thon pour reprendre un peu de force en vue du chemin encore à parcourir.

 

<< Je ferai cuire encore deux maquereaux et je boirai l'eau pure de la source. Puis, nous avancerons avec de nouvelles forces et, bientôt, nous serons chez nous. >>

 

La soupe commença à bouillir répandant une odeur alléchante dans la clairière, lorsque, soudain, un gros garçon que le jeune homme n'avait encore jamais vu, descendit de la montagne.

 

Le garçon s'approcha tout près du chaudron, respira avidement l'odeur de la soupe grasse, et ses yeux indiquaient qu'il avait faim.

 

<< Ah, mon bon Monsieur, ne voudriez-vous pas me donner un tout petit peu de votre soupe grasse ? Je n'ai rien mangé depuis ce matin, et j'ai très faim, >> pria-t-il d'une voix pleunicharde tout en dévorant le chaudron des yeux.

 

<< Assieds-toi, je sais moi-même ce que cela signifie d'avoir faim ; la soupe suffira pour nous deux et je te donnerai aussi un morceau de poisson frit, >> répondit le jeune homme gentiment, et il tendit au garçon un bol de soupe fumante. Puis il se servit lui-même et il s'occupa si profondément à manger qu'il ne releva pas la tête une seule fois. La soupe était vraiment bonne et les poissons frits répandaient aussi une odeur alléchante. Mais, lorsque le jeune homme se leva pour prendre les poissons, il eut juste le temps de voir que le garçon en mettait le dernier morceau dans sa bouche.

 

<< En voilà des façons, insatiable, >> avait-il envie de dire au garçon, mais, voyant les yeux affamés de ce dernier, il se contenta de faire un geste de la main.

 

<< Pauvre diable, certainement n'as-tu pas mangé depuis bien longtemps ; alors, tu n'as pas pu résister. Mais, ce n'est pas grave. La soupe était bonne et abondante et quand je serai de retour au village je pourrai me faire frire d'autres poissons. >>

 

Il se leva pour ramener le cheval qui, entretemps, avait pénétré dans la forêt. Puis il le conduisit dans la clairière à l'endroit où il avait déposé les marchandises pour les recharger. Mais, oh terreur, les marchandises avaient disparu. En se retournant pour scruter la clairière afin de découvrir celui qui avait enlevé les poissons, ses cheveux se hérissèrent d'horreur. A la place du gros garçon, il aperçut la terrible Yamamba. Ses yeux roulaient comme de grands cerceaux de feu, et, sur sa tête hideuse, ses cheveux hérissés se dressaient comme des aiguilles argentées. Et la terrible gueule dont la langue rouge feu pendait jusqu'à terre était en train d'avaler ce qui restait du chargement, c'est-à-dire le sac de sel. Des poissons, il n'y avait plus trace.

 

Apercevant le jeune homme, Yamamba avala précipitamment le sac et se précipita sur la nouvelle proie. Au dernier instant, le jeune homme sauta derrière le cheval. Alors, Yamamba saisit à sa place le cheval, le déchira et l'avala par gros morceaux. Le jeune homme voyant que Yamamba était pour le moment occupée avec le cheval, s'enfuit aussi vite qu'il le pouvait et se mit à escalader la montagne. Il courrait aussi vite que ses jambes le lui permettaient. Mais il se fatiguait et de plus en plus, souvent il buttait ou même tombait, et pourtant il entendait déjà au loin un terrible grondement.

 

<< C'est Yamamba qui me poursuit, >> se dit-il et à cette pensée son coeur faillit s'arrêter. Il lui était impossible de courir plus vite et Yamamba allait certainement bientôt le rejoindre. Alors, il chercha des yeux une cachette sûre. Devant lui, il aperçut soudain un étang et tout au bord de celui-ci un grand arbre avec un feuillage serré. Vite il escalada l'arbre – juste à temps, car Yamamba arrivait. Elle haletait si fort que tout autour les arbres se penchaient comme sous le souffle d'un vent très fort.

 

Yamamba, voyant l'étang, se dit : << Il vient fort à propos ; le sel m'a donné une soif épouvantable. >>

 

Elle s'agenouilla au bord de l'étang et se pencha sur l'eau. Mais qu'était-ce ? Dans l'eau elle vit se refléter l'image du jeune homme assis sur une branche.

 

Alors Yamamba jubila : << Ah, je t'ai enfin trouvé, mon garçon ! C'est donc ici que tu t'es caché ! >> Et elle brassa l'eau de ses griffes voulant attraper l'image. Jamais encore le jeune homme n'avait vu une aussi grosse bête et il se mit à rire très fort de ce spectacle vraiment drôle.

 

<< Ah bon, tu es là-haut, >> dit Yamamba étonnée. << Mais c'est la même chose, tu ne m'échapperas pas. Vite, dis-moi comment te rejoindre ! >>

 

Bien que le jeune homme eut très peur, il savait maintenant que la voracité de Yamamba était encore surpassée par sa bêtise. Peut-être donc avait-il une chance de la duper.

 

<< Il faut que tu poses une grande pierre sur ta tête, puis que tu grimpes sur cette branche sèche là-bas, sinon tu n'arriveras pas jusqu'ici, >> dit-il rapidement.

 

<< Aha,>> grogna Yamamba en cherchant une pierre bien grosse. Enfin, elle en trouva une qui semblait convenir.

 

<< Avec celle-ci je grimperai très bien, >> se dit-elle et prenant la pierre elle se la mit sur la tête et monta prudemment sur la branche sèche que le jeune homme lui avait indiquée. Bien sûr, la branche se brisa sous le poids et Yamamba tomba en plein milieu de l'étang. L'eau gicla très haut et le jeune homme saisit l'occasion pour descendre de l'arbre et s'enfuir.

 

Entre-temps la nuit était tombée et la peur que le jeune homme avait éprouvée l'avait tant épuisé qu'il pouvait à peine se tenir debout. Aussi, fut-il heureux d'apercevoir au loin une lumière.

 

<< C'est certainement une habitation humaine ; et auprès des hommes je ne cours plus aucun danger, >> se dit-il joyeusement et il suivit la direction que lui indiquait la lumière.

 

Peu de temps après, il se trouvait devant une petite hutte, et personne ne répondant à son appel, il entra par la porte qui était ouverte. La hutte était vide, seules les flammes crépitaient dans l'âtre : donc, les habiants du lieu ne pouvaient être bien loin. Le jeune homme s'assit près du feu pour les attendre. Il était assis ainsi depuis longtemps déjà et ses yeux commençaient à se fermer lorsqu'il entendit, devant la hutte, des pas lourds suivis d'un halètement bien connu et de la voix de Yamamba qui murmurait : << Me voici enfin à la maison ; je vais pouvoir me sécher. Le garçon m'a échappé, mais j'ai au moins mangé à ma faim. La soupe n'était pas mauvaise et le poisson excellent. Sans parler du cheval ! Quelle viande ! Il n'était certainement pas vieux. Seulement, le sel, j'aurais peut-être mieux fait de le laisser là où il était. >>

 

Aussitôt le jeune homme fut tout à fait réveillé et il chercha une cachette. Il était trop tard pour fuir, car Yamamba se tenait déjà devant la porte. Au dernier moment, il grimpa sur une poutre au-dessus de l'âtre et se serra tout contre le bois pour ne pas être découvert. Il était grand temps car Yamamba entrait et se dirigeait tout droit, vers le feu pour se réchauffer après ce bain involontaire. Elle était toute mouillée et tremblait de froid. Elle s'assit près de l'âtre et avança ses griffes vers le feu.

 

Après un moment, elle continua ses réflexions à haute voix : << Je regrette quand même le garçon. Il aurait constitué un vrai dessert. Et, en y pensant bien, j'ai encore faim. Si seulement je savais ce que je pourrais encore menger. >>

 

En disant ces mots, elle roulait ses yeux de feu dans toutes les directions.

 

<< Ah, j'ai une idée ; je vais me faire cuire quelques gâteaux de riz. >>

 

En gémissant, elle se leva, alla dans le garde-manger et revint tenant dans son tablier des gâteaux de riz. Elle posa les gâteaux sur la plaque, les laissa dorer d'un côté puis les retourna, les laissa dorer de l'autre et les posa au bord de l'âtre.

 

Le feu répandait une agréable chaleur et Yamamba retournait les gâteaux de plus en plus lentement ; de plus en plus souvent, sa tête lui retombait sur la poitrine jusqu'à ce que, finalement, elle s'endormit en ronflant très fort.

 

L'odeur des gâteaux monta jusqu'au plafond et chatouilla les narines du jeune homme affamé. Il aurait aimé goûter ne serait-ce qu'un seul de ces gâteaux ; mais, comment se le procurer ? Enfin, il aperçut un long bâton qui était posé sur la poutre près de lui.

 

<< Voilà ce qu'il me faut, >> se dit-il et il étendit prudemment la main. Yamamba ronflait et ne bougeait pas. Il prit le bâton et piqua l'un des gâteaux posés sur le bord de l'âtre, le plus éloigné de Yamamba. Puis, il l'attira lentement à lui. Ah, que c'était bon ! Mais un seul gâteau était évidemment bien incapable de calmer sa faim. Le jeune homme tenta sa chance encore une fois et encore une fois – et, bientôt, le dernier gâteau avait disparu.

 

Yamamba fut encore un bon moment avant de s'éveiller. Elle regarda, mécontente, autour d'elle et grommela : << Qu'est-ce que je voulais ? Ah, oui, je me souviens ; je voulais chercher des gâteaux de riz dans le garde-manger ! >>

 

Elle se leva, apporta encore une montagne de gâteaux et se mit à les faire dorer. Prudemment elle les reourna et déposa les gâteaux, une fois prêts, sur le bord de l'âtre. Et, de nouveau, l'arôme des gâteaux et la chaleur firent leur oeuvre, Yamamba s'endormit et ronfla très fort. Le jeune homme vit les gâteaux odorants et ne put résister. Il saisit le bâton et piqua de nouveau un gâteau après l'autre. Il était devenu si sûr de lui qu'il ne s'occupait même plus de Yamamba ; mais, celle-ci ronfla suffisamment fort et encore longtemps après que le dernier gâteau eut été mangé.

 

Au bout d'un moment, elle se réveilla tout de même et murmura à nouveau : << Que voulais-je donc faire ? Ah oui, je me souviens ; je voulais aller chercher des gâteaux dans le garde-manger pour les faire rôtir. >>

 

Elle se leva, mais à mi-chemin, elle s'arrêta subitement et se retourna, surprise. << Mais, j'ai déjà fait rôtir les gâteaux, l'odeur est encore dans la pièce ! >>

 

Elle fouilla tout l'âtre, mais ne put découvrir un seul des gâteaux. Le jeune homme, pendant ce temps, suait sang et eau sur la poutre ; cependant, Yamamba s'écria joyeusement : << Ce ne peut être que Fukurukudju, le dieu du bonheur, qui aime tant les gâteaux de riz. Pourvu seulement qu'il les ait trouvé à son goût, ainsi il me portera bonheur ; si j'en veux, je peux toujours me faire dorer d'autres gâteaux ! >>

 

Elle fut sur le point de s'acheminer de nouveau vers le garde-manger lorsqu'elle changea d'avis : << Je suis fatiguée ; je ne ferai plus rien ; j'irai plutôt me coucher ! >>

 

Puis, elle eut l'idée de demander à Fukurukudju, qui devait certainement encore se trouver dans la pièce, s'il fallait qu'elle se couche dans le chaudron ou sur la poutre pour faire de beaux rêves.

 

Se campant au milieu de la pièce, elle cria : << Fukurukudju, j'aimerais faire un beau rêve ; où dois-je me coucher ? Sur la poutre ou dans le chaudron ? >>

 

<< Dans le chaudron ! >> répondit avec aplomb le jeune homme en déguisant sa voix.

 

<< Eh bien ; je me coucherai donc dans le chaudron. >> Yamamba se glissa dans le chaudron, chercha une position confortable, bailla, puis referma le couvercle sur elle.

 

Le jeune homme attendit jusqu'à ce qu'il entende un fort ronflement dans le chaudron, puis il se laissa glisser doucement de la poutre et s'achemina vers la porte. << Quand Yamamba se réveillera, il sera déjà par monts et par vaux. >>

 

Mais après avoir fait quelques pas, il s'arrêta pile et se dit : << Je ne peux tout de même pas m'enfuir ainsi et laisser Yamamba continuer à exercer sa méchanceté ! >>

 

Il sortit, chercha dans le noir une lourde pierre, la porta dans la pièce et la déposa sur le couvercle du chaudron.

 

En heurtant le couvercle, le jeune homme réveilla Yamamba. Celle-ci se tourna, à moitié endormie, de l'autre côté et grommela : << Stupide coq, pourquoi cries-tu alors qu'il fait encore nuit noire ! >>

 

Le jeune homme attendit que Yamamba se soit bien rendormie puis il amassa du bois sous le chaudron et alluma le feu.

 

Le battement du briquet réveilla de nouveau Yamamba. Celle-ci gronda, de méchante humeur : << Tu ne peux donc pas me laisser en paix, horrible coq ? Tu as peut-être l'intention de crier toute la nuit ? >> Puis elle se retourna et se rendormit.

 

Dehors, l'aube pointait et la pièce s'éclairait de plus en plus, l'éclat du feu s'ajoutant à la lumière du jour. Les flammes montaient toujours plus haut.

 

Le crépitement du feu réveilla à nouveau Yamamba. << Horrible bête ! Si tu n'arrêtes pas tout de suite de crier, je te mangerai ! >>

 

<< Tu ne mangeras plus personne ! >> dit le jeune homme en se réjouissant et il ajouta une bûche après l'autre au feu, jusqu'à ce que Yamamba eut cessé de vivre.

 

Lorsque le feu fut éteint et que le jeune homme s'apprêta à rentrer chez lui, il se rappela soudain son pauvre cheval et il se dit tristement : << J'ai bien vaincu Yamamba et me suis sauvé. L'horrible vieille ne menacera plus personne. Mais, mon pauvre cheval, lui, n'est plus. Qu'est-ce que je vais faire, avec quoi vais-je gagner ma vie, puisque je ne pourrais plus aller chercher les marchandises à la ville pour les rapporter aux voisins ? Et comment pourrai-je leur vendre les poissons que Yamamba a avalés ? >>

 

Attristé, il sortit de la hutte et, une fois dehors, il s'arrêta net. Maintenant qu'il faisait jour il s'apercevait que la hutte était entourée de monceaux d'os, et non seulement d'os d'animaux, mais aussi pas mal de crânes humains.

 

<< Les pauvres ! Ils ont tous été victimes du sort que Yamamba me réservait aussi à moi. Ils n'ont même pas un tombeau ! >>

 

Il retourna dans la hutte, trouva une pelle et se mit à creuser un trou. Lorsque le trou lui arriva à la ceinture, il heurta une caisse pleine de pièces d'or.

 

<< Voilà qui me dédommage largement de ce que Yamamba m'a pris, >> dit-il heureux. Puis il enterra les ossements humains, chargea la caisse sur ses épaules et rentra, content, chez lui.

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