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Le blog d'Hélène Loup
21 juin 2020

L'ETOILE QUI VOLA UN PETIT GARCON (L'enfant enlevé par une étoile) - raconté sur facebook vendredi 19 juin 2020 à 18h

L'ENFANT ENLEVÉ PAR UNE ÉTOILE

conte Tsimishis

 

Dans une tribu, il y avait un petit garçon qui s'appelait Weetump, c'est-à-dire : "Ami".

Weetump aimait les fleurs et les oiseaux. Quand un insecte tombait sur le dos, il le remettait sur ses pattes ; quand une martre étouffait dans un piège, il délaçait le piège. Il caressait la peau rugueuse des rochers, parce que, disait-il, personne ne le faisait, et sans doute étaient-ils tristes. Weetump était heureux ; ses beaux yeux noirs brillaient; son coeur était à l'aise dans se poitrine. Weetump était bon, mais il ne ferait jamais un brave guerrier.

Un soir, il vint s'allonger sur le sable de la grève. Son père, à côté de lui, fumait le calumet. Weetump regardait le ciel, et plus particulièrement une petite Étoile très petite et très brillante.

    • Pauvre amie, lui dit-il à voix basse, comme tu es loin ! Comme tu dois avoir froid ! Je voudrais te réchauffer sur mon coeur car, en vérité, tu me fais pitié.

Ainsi parla l'enfant à l'Étoile, et celle-ci entendit.

Un autre soir où l'enfant était seul sur la grève, elle descendit du ciel et l'emporta. Cela fit une si vive lumière que les gens furent éblouis et ne virent pas l'enfant se débattre entre les bras de l'Étoile. Ils se dirent simplement : "Une étoile tombe !" et se sauvèrent pour n'être pas brûlés.

Mais quand vint le matin, le père et la mère cherchèrent partout leur petit garçon et ne le trouvèrent pas. Tous ceux de la tribu le cherchèrent et ne le trouvèrent pas. Puis toutes les tribus du voisinage cherchèrent et ne le trouvèrent pas. Alors, les gens se lassèrent et dirent qu'il avait été mangé par une bête féroce, et ils l'oublièrent. Mais le père et la mère commencèrent à pleurer et ne l'oublièrent pas.

Un jour qu'il se promenait tristement aux alentours, il arriva près d'une haute montagne qu'il connaissait bien et vit une grande fumée qui s'élevait.

"Il n'y a pas de wigwam en haut de cette montagne", se dit-il, surpris. "Qui donc est là-haut ?"

Il monta sur la montagne et trouva une grande femme assise auprès d'un feu. Il voulait dire : "Que fais-tu ici, femme ? "mais elle le devança et dit, la première :

    • Où est ton petit garçon ?

Alors, il se remit à pleurer et dit qu'il ne savait pas.

    • Je le sais, moi, c'est l'Étoile qui l'a pris. Il lui parlait doucement, et elle le trouvait gentil. Mais les étoiles ne connaissent rien aux enfants des Hommes. Elle l'a attaché sur le toit de sa cabane, près du trou-à-fumée, et il pleure tout le temps parce que les étincelles le brûlent et que la fumée le suffoque. Il est grand temps de le délivrer.

Elle dit encore.

    • Il te faut faire beaucoup de flèches, car tu en auras besoin.

L'homme descendit de la montagne et revint dans sa maison ; il se sentait un grand courage. Il fit quatre paquets de flèches, qu'il emporta, ainsi que du tabac, de la peinture rouge et des pierres à feu.

Il retourna sur la montagne. La grande femme était toujours là. Elle lui dit :

    • Tire toutes tes flèches contre le ciel.

Il banda son arc et commença de tirer. La première flèche se planta juste au bord du Trou-à-travers-le-Ciel et demeura là. La seconde se planta juste dans la queue de la première, et chacune des autres dans la queue de celle qui la précédait. Quand il eut tiré pendant trois jours, cela fit comme une longue corde qui tombait presque à ses pieds. La grande femme dit :

    • Monte dans le ciel par cette corde, et là-haut quelqu'un t'aidera, car il faut délivrer le doux petit garçon aux yeux noirs.

L'Indien escalada le chemin de flèches et se hissa par le Trou-à-travers-le-ciel. Là, il voyait les Étoiles à l'envers, c'est-à-dire que leurs wigwams étaient posés sur la voûte du ciel, qui est transparente comme la glace. Quand les étoiles rentrent chez elles à la nuit, leurs wigwams sont éclairés ; c'est cette lumière que les Indiens voient à travers la voûte claire.

A peine le père eut-il posé le pied de l'autre côté du ciel qu'il rencontra une seconde femme tout à fait pareille à la première, qui lui dit :

    • Le doux petit garçon qui aime tout le monde est près de mourir. Il pleure sans arrêt, car son corps brûle. Il faut tailler une pièce de bois à sa ressemblance, et surtout qu'elle ne cesse pas de pleurer.

L'homme prit donc un morceau de bois de sapin, un de saule, un de cyprès, un de cèdre rouge et un de cèdre jaune, et dans chacun il tailla une image de son fils. Puis, rassemblant des brindilles et des baliveaux, il édifia un grand bûcher et y mit le feu. Il suspendit d'abord, au-dessus de ce feu, l'image de sapin. Les étincelles la brûlait et elle se mit à crier. Puis au bout d'un moment, elle s'arrêta. Il attisa le feu, afin qu'une gerbe d'étincelles s'élevât. Mais l'image ne reprit pas ses cris. Il mit donc à sa place celle de saule, puis celle de cyprès, puis celle de cèdre rouge ; chacune s'arrêtait de pleurer après un court instant. Celle de cèdre jaune ne s'arrêta pas. C'est donc celle-là qu'il emporta.

Il arriva bientôt près d'une claisière où l'on entendait un homme fendre des bûches avec un maillet et des coins. Il s'approcha et lui dit :

    • Où est la maison ?

    • Je m'appelle Quix-Atsnix, répondit l'homme.

L'Indien lui donna du tabac. L'homme emplit sa pipe et fuma, et plus il fumait, plus il devenait gros. Il dit alors en tendant le bras :

    • La maison est par là. Et hâte-toi, car le petit garçon aux yeux doux va mourir. Cependant, il serait prudent de te cacher dans le bois jusqu'à ce soir si tu veux le délivrer.

L'homme avança vers la maison, et son coeur battit fort quand il vit son petit garçon attaché sur le toit et tout suffoquant. Parfois, l'enfant s'arrêtait de pleurer. Aussitôt, l'Étoile ordonnait d'attiser le feu, jusqu'à ce que de nombreuses étincelles jaillissent.

De tous ceux qui ont raconté l'histoire, personne n'a jamais pu dire pourquoi l'Étoile faisait ça, car d'habitude les Étoiles ne sont pas méchantes.

Lorsque tout le monde fut endormi, l'Indien monta sur le toit et détacha son fils ; en reconnaissant son père, Weetump allait pousser des cris de joie, mais son père lui imposa doucement silence ; le père attacha l'image de cèdre à la place de son fils et, prenant celui-ci sur son dos, l'emporta en toute hâte.

Quand vint le matin, l'Étoile commanda à ses serviteurs d'attiser le feu ; la fumée et les étincelles s'élevèrent par le trou-à-fumée, et l'image de cèdre se mit à pleurer. Mais au bout d'un temps assez long, elle cessa, car après tout, ce n'était qu'un morceau de bois.

L'Étoile eut un soupçon ; elle envoya un de ses hommes sur le toit. Celui-ci revint bientôt, en disant :

    • Il n'y a plus là-haut de garçon ; c'est un bâton sculpté.

Alors, l'Étoile appela tous les siens et se lança avec eux à la poursuite des fugitifs.

L'homme entendit venir cette grande troupe. Il ne cessa point de courir, mais jeta derrière lui du tabac, puis des pierres à feu, puis de la peinture. Les gens de l'Étoile s'arrêtaient pour les ramasser ; ils reniflaient le tabac, considéraient les pierres, dont ils ignoraient l'emploi, et se mettaient de la peinture sur le visage. Cela les retardait. Cependant, bientôt ils furent derrière lui de nouveau. Quix-Atsnix apparut alors.

    • Donnd-moi du tabac, vite, ordonna-t-il.

L'Indien lui lança tout le tabac qui lui restait. Quix-Atsnix se mit à fumer, et plus il fumait, plus il enflait, si bien qu'il boucha le chemin et que les gens de l'Étoile ne purent plus passer.

Weetump et son père avaient atteint, pendant ce temps, le Trou-à-travers-le-Ciel ; ils dégringolèrent sur la terre le long de la corde de flèche, puis l'Indien tira fort sur la dernière, et toutes retombèrent à ses pieds ; ainsi il n'y eut plus de chemin vers le ciel.

    • Nous veillerons bien soigneusement sur cet enfant, dit son père en le ramenant au wigwam, afin que nulle Étoile ne nous le vole désormais. Et toi, fils, Petit-ami-de-tous,cesseras-tu de faire ton malheur en voulant le bien des autres ?

    • J'essaierai, dit le petit garçon aux yeux tendres.

Mais celui qui a gouté de l'aventure peut-il demeurer au coin du feu ? Et celui qui veut faire le bien, le danger le rebute-t-il ?

 

L'étoile qui vola un petit garçon - Contes de mon Iglou

Maurice Métayer - pp. 231-239

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