LE RESTAURANT - Contes pour Monique et Pierre - N° 52

LE RESTAURANT

 La bible de l'humour juif - p. 263

    Deux anciens camarades d’école se rencontrent. Ils se racontent leurs faibles salaires et leur vie difficile.

- J’ai parfois du mal à manger à ma faim ! soupire le premier.

- Moi aussi, réponds le second. Heureusement une fois par mois, je vais dans un grand restaurant et là, je me gave et me régale sans rien payer ! 

- Comment fais-tu ?

- C’est très simple. Je vais dans l’un des meilleurs restaurants de la ville, jamais le même, je m’installe tôt le soir et là, je commande tous les plats. Je mange tout, lentement, tranquillement. Au milieu de la soirée, les serveurs changent. Moi, je ne bouge pas, je sirote mon café. A la fermeture, on m’apporte l’addition. Je fais l’étonné : « Ah, mais j’ai déjà réglé mon addition ! Je l’ai réglée il y a plus d’une heure à votre collègue qui m’a servi. Il est certainement déjà parti ! »

Comme il est effectivement parti, ils ne peuvent pas vérifier et, vu que j’ai pris soin de m’habiller en curé, en pasteur ou en rabbin, personne n’ose mettre ma parole en doute. Je m’en vais donc sans payer et le ventre plein.

Justement, aujourd’hui c’est mon jour de restaurant. Viens avec moi. Je vais te prêter un de mes habits de religieux, et nous pourrons continuer à discuter.

    Ils vont ensemble au restaurant. Ils passent comme prévu la soirée à manger et à discuter. Tard dans la nuit, un serveur s’approche et leur demande de payer leur addition. Le petit malin répond :

- Nous avons déjà payé, il y a une heure au moins, à votre collègue.

Son camarade ajoute :

- Oui, et même qu’on attend la monnaie depuis un bon moment !

La Tour d’Argent, à Paris

NOTE : ce petit conte facétieux figure aussi en bonne place au répertoire des conteurs juifs. Dans leur version, les deux anciens amis sont devenus en grandissant l’un curé, l’autre rabbin. Je vous laisse deviner lequel a trouvé une astucieuse façon de combler sa faim et sa gourmandise sans bourse délier, et lequel réclame la monnaie à la fin.