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Le blog d'Hélène Loup
9 octobre 2011

Petit conte en hommage à Catherine Gendrin, 25/09/2011

KatlinGendrine

 Mais quand serons-nous sages ?

Jamais ! Jamais ! Jamais !

Mais quand serons-nous sages ?

Jamais ! Jamais ! Jamais !

La terre nourrit tout, la terre nourrit tout,

Les sages, les sages.

La terre nourrit tout, la terre nourrit tout,

Les sages et les fous.

 

  Le vieux sage était inquiet . Un sage chinois inquiet ? Un sage qui a oublié son zen ? Est-ce vraiment un sage ? et en effet, il doutait de sa sagesse. Il doutait de la Sagesse.

  Pourtant quand, quelque temps plus tôt, le jeune roi affolé, désespéré était monté seul jusqu’à sa grotte en haut de la montagne, implorer un conseil, il avait su quoi faire.

-         Rentre chez toi, avait-il dit au monarque, et attends que la paix revienne.

  Le monarque était parti, encore plus accablé si possible. L’ermite, lui, s’était plongé dans une méditation profonde. Il avait fait la paix en lui, et l’avait laissé se répandre autour de lui. Peu à peu, les belliqueux seigneurs qui ravageaient le pays de leurs querelles incessantes, s’étaient apaisés, réconciliés, unis. Le souverain voisin avait précipitamment retiré son armée des frontières. La paix était revenue.

 

  Les disciples avaient alors afflué à l’ermitage du vieux sage. D’ermite, il était devenu maître à son tour. Lui qui avait fui les très riches monastères d’un lointain royaume, les querelles, rivalités et tyrannies de ces maîtres tout-puissants qui, fort de la faveur impériale et de la foi d’une population docile, affamaient, glorifiaient, punissaient, récompensaient ou rejetaient à leur gré et à leur guise moines, novices et nonnes, ces « maîtres » qui faisaient circuler discrètement sous cape de redoutables listes noires, blanches, rouges, ou multicolores, voilà qu’il voyait poindre petites querelles, rivalités naissantes, favoritismes, exclusions et même des débuts de listes secrètes,  tout ce qu’il ne connaissait que trop bien.

  Entrer en méditation, faire la paix en lui et la laisser se répandre autour de lui ? Il avait essayé. Mais il n’était plus seul. Il y avait ses disciples avec leurs questions, leurs besoins et, surtout, les multiples nécessités du quotidien. Il se demandait dans le secret de son âme : « Mais comment donc font les femmes ? »

 

  Oui, le vieux sage était inquiet. Quand Katlin, un moine arrivé depuis peu, était venu le trouver.

-         Maître, avait-il dit, il faudrait organiser quelques…

comment avait-il dit ? Ah oui,

-         quelques « réunions » pour … euh … « améliorer » la vie dans notre groupe.

  Et Katlin avait fait des réunions. Et la vie dans le groupe s’était améliorée. On travaillait dur, on méditait beaucoup, on souriait encore plus. Le franc-parler de Katlin faisait merveille. Le vieux sage en arrivait à se demander si Katlin n’était pas plus sage que lui.

 

  Quand un jour d’entre les jours, il vit venir à lui Katlin, l’air embarrassé, presque timide.

-         Maître, dit le disciple d’un air malheureux, je ne comprends pas ton enseignement. Tu dis que pour faire un choix, il faut connaître chacune des alternatives entre lesquelles on doit choisir.

Mais tu dis aussi qu’entre enfer et paradis, il vaut mieux choisir le paradis.

Or je ne connais ni l’un, ni l’autre.

Alors comment choisir ?

  Le vieux maître sourit, légèrement, comme doit sourire un sage.

-         Viens avec moi, dit-il.

  Il emmena son disciple dans sa grotte. Au fond, un rideau pendait.

-         Tire le rideau, dit le maître.

  Katlin, d’une main tremblante – il allait enfin savoir ce qui se cachait derrière le rideau mystérieux – tira le rideau.

  Et il vit une scène de banquet somptueux. Les tables de laque rouge disparaissaient sous des mets raffinés, rares et délicieusement parfumés, des musiques célestes charmaient les oreilles, la splendeur des vêtements éblouissait les yeux. Mais les convives semblaient tristes, abattus. Et ils ne mangeaient pas. Katlin regarda mieux. Il vit que chacun avait dans les mains des baguettes de trois mètres de long. Vous avez essayé de manger avec des baguettes (ou cuillère et fourchette) de trois mètres de long ? Non, car vous ne seriez pas là !

-         Voici l’enfer, dit le maître.

  Et il referma le rideau. Puis il dit :

-         Tire le rideau.

  Katlin tira le rideau. Il vit une scène de banquet moins somptueuse, moins raffinée. Mais beaucoup plus joyeuse. Les convives riaient, chantaient, et se régalaient. Katlin regarda mieux. Ils avaient aussi des baguettes de trois mètres de longs dans les mains. Mais chacun donnait à manger à celui qui était en face.

  Et ça, c’est le paradis.

 

  Alors Katlin se tourna vers le sage :

-         Maître, dit-il, fais revenir l’enfer. Et on va faire une réunion…

  Le vieux sage éclata de rire.

-         Katlin, dit-il, KatlinGendrine, des comme toi, il n’y en a pas deux !

 

  Comme quoi, même un vieux sage peut se tromper…

 

Mais quand serons-nous sages ?

Jamais ! Jamais ! Jamais !

Mais quand serons-nous sages ?

Jamais ! Jamais ! Jamais !

La terre nourrit tout, la terre nourrit tout,

Les sages, les sages.

La terre nourrit tout, la terre nourrit tout,

Les sages et les fous.

 

Adaptation-détournement de deux petits contes de sagesse tissés ensemble.

Ceux qui ont connu Catherine comprendront.

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